À dire vrai

En septembre, vous avez été nombreux à venir sur le site de La Manufacture, découvrir Micropolis, première édition de notre temps fort dédié à l’itinérance théâtrale. Merci
infiniment aux artistes, à nos voisins partenaires et aux spectateurs curieux ! C’était émouvant, fort, sensible, indispensable !

À dire vrai, malgré ces merveilleuses retrouvailles, nous tremblons encore un petit peu, appréhendant chaque fois de ne pas vous retrouver, comme l’amoureux sur le
banc qui s’interrogerait : viendra, viendra pas ?
Je me fais donc ici la porte-voix des artistes et de mon équipe : « Nous sommes là ! Nos propositions vivantes et spectaculaires répondent à la soif de récits, de fictions et d’émotions ! Qu’elles viennent détourner le flux des expériences numériques individuelles !
Que les spectateurs reviennent en nombre, peu à peu, comme une vague vivante qui hurle, au-delà du pain, son insatiable besoin de jeux partagés. »

À dire vrai, la transformation profonde de nos comportements ces derniers mois nous encourage à exprimer encore plus clairement notre désir d’aventure collective.
Tant mieux. Il nous faut plus que jamais nous lever de ce banc et déplacer notre scène vers vous. Car oui, c’est bien l’existence, la qualité et la force de la relation entre nous tous, autour d’une oeuvre, qui importe. Ce lien vécu au présent nous élève mutuellement. Il remplit nos vies, les anime et nos différences ainsi réunies peuvent être le combustible d’un feu qui nous réchauffe.
Les spectacles de cet Acte 2 vous appellent. Les artistes les façonnent avec leurs images, leurs mots, leurs histoires, leurs corps. Ils s’engagent pour ça : établir, par l’oeuvre, une chaîne humaine. Que celle-ci se déploie sur une carte imaginaire ou entre artistes professionnels et amateurs, elle est composée de toutes les générations.
Elle grandira dans nos Quartiers Libres, avec les travailleurs rencontrés qui viendront la nourrir de leurs mots et de leurs gestes. Cette chaîne ne retient personne, elle nous fortifie et accueille tout le monde.

À dire vrai, un spectacle n’est-il pas un grand saut vers l’autre ?
Dans cet élan, il devient possible de sauver l’amour, la pensée, les idées, l’humour, la poésie, de nous sauver les uns les autres et oui, de sauver le monde peut-être. Car si nous n’acceptons pas le monde en l’état, au théâtre se trouve la possibilité de
le transformer à plusieurs. Nous nous le racontons, nous déconstruisons des normes mortifères, des schémas dominants et brisons des silences pesants. Nous refaisons le monde.

À dire vrai(et à force de vouloir le faire) vous finirez par penser que je me berce d’illusions ! Je ne vous contredirai pas ! Elles sont vitales, constitutives de nos vies. Je travaille actuellement à la création de C’est comme ça (si vous voulez) d’après Luigi Pirandello. La pièce me fait ressentir les limites bien réelles de la quête frénétique de vérité : elle peut être cruelle, sans pitié, ni scrupule. In fine, cette comédie féroce redonne au doute, au secret, au mystère toutes leurs nécessités. Nous rirons et accepterons peut-être enfin que chacun ait mille visages, que chaque visage ait mille points de vue, que ma réalité ne soit pas celle de ma voisine, ni la vôtre.

À dire vrai d’ailleurs, si dans les mois qui viennent, quelqu’un prétend avoir trouvé une réponse, doutez ! Il est l’heure de nous remettre en question ensemble pour y voir plus clair.

Soyez les bienvenus au Théâtre de la Manufacture.
Bel hiver et beau printemps,

Julia Vidit